Ralentir le temps

Si vous courez après le temps pour boucler votre liste de tâches de fin d’année, alors cette lettre vous est dédiée. Ce sera la dernière de 2022 (et non, je ne comptais pas vous faire écrire pendant les week-ends de Noël et du Jour de l’An, il y a des limites à l’abnégation littéraire). Mais je ne vous abandonne pas pour autant au désœuvrement le plus abject, puisque je vous propose d’écrire pour janvier une fiction, non pas comme d’habitude de 500 mots, ni même de 1 000, mais bien de 1 500 (environ 6 pages), sur le thème suivant : Ralentir le temps, qui servira de prologue au prochain cycle d’écriture. (Je ne voulais pas l’entamer avant une coupure de 3 semaines.)


Déjà en juin 2021, j’empruntais à Virgile son Tempus fugit pour thème de la troisième improvisation littéraire de ce qui n’était pas encore officiellement un club d’écriture. Je déplorais l’illusion d’un temps étale créée par la pandémie et ses réclusions successives.

Mais le temps continue de fuir, nous le savons bien, il nous manque seulement la scansion des événements d’une vie sociale pour en mesurer le cours.
Quand cette pandémie sera enfin derrière nous, et en attendant la suivante, notre perception du temps va subir une brusque accélération, comme pour essayer de rattraper les moments perdus, et on vivra de nouvelles Années folles, titubant d’un pas saccadé comme un acteur de film muet.

On repassera pour les Années folles (ou alors je ne comprends rien à la folie), mais j’ai pleinement ressenti pour ma part une accélération depuis le début de l’automne, davantage liée aux contingences, souvent médicales, de la vie de famille, qu’à une dépressurisation soudaine de la société.

« Le Temps mange la vie », écrivait Baudelaire, qui ne manquait jamais une occasion d’être gai. Et on trouve malgré tout le temps d’écrire pour épaissir, à défaut de l’allonger, le temps de vie. Peut-être pas autant qu’on le souhaiterait, mais l’essentiel est de continuer d’avancer sans fantasmer sur ce que l’on pourrait faire si les bonnes circonstances étaient réunies (elles ne le sont jamais).

Ma fille aînée (bientôt 4 ans) voulait dernièrement ralentir le temps pour profiter davantage de son mercredi. J’ai une idée, m’a-t-elle dit, et si on ralentissait la Terre ? Elle retrouvait sans le savoir l’idée, certes spécieuse, d’un lien causal entre le temps et la rotation de la Terre qui inspira la fin de Superman (Richard Donner, 1978).

Superman inverse le sens de rotation de la Terre pour remonter le temps et sauver Lois Lane.

Hélas pour nous, pauvres rêveurs, j’ai bien peur que cela ne suffise pas ! À vous de ruser pour ralentir le temps.


Votre nouvelle est à rendre au plus tard le lundi 2 janvier à 19 heures. Le prochain salon aura lieu le jeudi 5 janvier à 21 heures et la parution de la lettre reprendra dès le lendemain, pour l’Épiphanie. (Par contre, je ne fournirai pas la galette.)