Prudence est mère d’impuissance

Du moins en littérature. Pour le reste, je ne sais pas.

Prudence est mère d’impuissance
Georgiana Houghton, Gloire à Dieu (détail), 1864. Source : WikiArt.

Je conseillais récemment une jeune écrivaine à qui une prof, sans doute mue par les meilleures intentions, avait recommandé d’écrire des phrases plus courtes. Résultat : elle écrivait trop de phrases trop courtes. Autre écrivaine, autre conseil bien intentionné : ne faites pas d’images (sic). Dans les deux cas, il me semble que la prudence motivait ces tristes donneurs de leçons ; déjà qu’ils ne prennent aucun risque en dispensant des conseils qu’ils n’ont pas à suivre, si en plus ils choisissent la facilité… Il est en effet plus difficile de manquer l’équilibre d’une phrase courte, et si l’on ne tente jamais la moindre image, impossible de se tromper ou de retomber dans le cliché. Impossible de se tromper. Voilà le problème. Comment voulez-vous progresser sans faire d’erreurs ?

On ne saurait être trop imprudent en littérature. Il faut beaucoup de tentatives et d’échecs pour renforcer un talent qui ne croît qu’en s’attaquant à ce qu’il ne sait pas faire (au lieu de se contenter du peu qu’il maîtrise), de là la nécessité de se montrer patient envers soi-même. Il ne suffit pas d’éviter les défauts, encore faut-il inventer ses qualités, qui ne sont pas celles d’un autre, et accepter au besoin les défauts de ses qualités.

La prudence n’enseigne rien, aussi je ne la professe pas, contrairement à la confiance que donne une pratique régulière et délibérée, qui résout tous les problèmes et donne le courage d’en affronter de nouveaux. À trop jouer la prudence, on devient un écrivain sans faute ni saveur. Rappelez-vous Victor Hugo : « Ne pas donner prise est une perfection négative. Il est beau d’être attaquable. » (William Shakespeare.) Il est beau d’être attaquable. À tatouer sur ses avant-bras musclés à la dactylographie.

Du reste, il n’existe aucun défaut qu’on ne saurait retourner en atout et inversement. L’érudition peut inhiber plus qu’elle n’inspire, la maturité du sens esthétique apporte bien des scrupules (ah, la peur de trop montrer) qui vous ralentissent ou vous entravent, mais de l’ignorance naît la présomption sans laquelle personne ne se lance jamais. Le seul travers vraiment rédhibitoire est de ne pas solliciter l’imagination du lecteur. À lui de raconter l’histoire.


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