La vie recommence

Quand l’air devient vif et qu’on peut de nouveau parler de littérature.

La vie recommence
Francis A. Silva, By the Seaside, New Jersey Shore, 1883. Source : Smithsonian American Art Museum.

Enfin septembre !

« La vie recommence en automne, dit Jordan Baker dans Gatsby le magnifique, quand l’air devient vif. » Les choses remuent à nouveau, tirées de l’espèce de stase dans laquelle elles étaient entrées durant l’été et où les maintenaient les vacances (je ne suis doué ni pour l’un ni pour les autres). Existe-t-il seulement un mot pour nommer cette forme d’hibernation estivale ? Si la littérature est comme l’écrit Proust dans Le Temps retrouvé « la seule vie […] pleinement vécue », « la vie enfin découverte et éclaircie », alors il n’est pas sage pour un écrivain de prendre des congés, sauf si lesdits congés servent à écrire. Qui a dit que la vie devait être divisée en 47 semaines de travail acharné et 5 semaines de langueur abrutissante ? Les vacances bouleversent votre routine (manière polie de dire qu’elles la ruinent), et par là votre seule possibilité d’appréhender le monde et de vous exprimer. Ah, nous ne savons pas vivre. (Bon, d’accord, je ne sais pas vivre.) Jordan Baker, adorable menteuse, imprudente égoïste, nous sommes faits pour nous entendre (seulement si c’est moi qui conduis). Je vous dédie ce cycle d’écriture qui célèbre les renouveaux de la vie en plus d’inaugurer l’an III du club Contreforme.

Il faudrait, je le répète, s’astreindre à la vie monotone du protagoniste de Perfect Days de Wim Wenders (j’y repense parce que Thomas Flight l’évoque comme contre-exemple dans un nouvel essai vidéo sur l’obsession d’Hollywood pour l’ambition), ou encore celle du personnage qu’interprète Adam Driver dans Paterson de Jim Jarmusch. La monotonie n’empêche pas les épiphanies, bien au contraire : elle les sollicite et les encourage. En menant une vie « réglée », vous savez à tout moment ce que vous faites et pourquoi vous le faites, vous n’êtes pas constamment en train de courir après une autre vie, une autre preuve de réussite ou quelque fantasme inaccessible. Vous menez la vie que vous avez choisie. Vous n’hésitez plus et devenez attentif à ce qui vous entoure et à la manière dont ça agit en vous. À propos de Perfect Days, je notais déjà « une absence de drame, ou du moins son atténuation par une disposition au bonheur qui n’est peut-être que l’art d’être présent ». C’est cette qualité, cette présence, que je recherche dans vos écrits, car c’est essentiellement elle, par son inestimable pouvoir d’évocation, qui active l’imagination du lecteur, à qui incombe la responsabilité de raconter l’histoire. Vous n’avez qu’à lui transmettre une vision. C’est pourquoi chacun devrait écrire, pour « éclaircir » sa vie et enrichir celle des autres, les émanciper de leur moi. Les fans irréductibles d’IA ne pourront jamais comprendre que l’écriture n’est pas une énième productivité à optimiser, mais une manière de percevoir, ressentir et penser. Il s’agit toujours, malgré moult conditions adverses, d’inventer sa propre utopie, un aérosole de sens vaporisé sur le monde pour le rendre habitable.

Notez pour finir qu’il n’y a pas de mal à être ambitieux, tant que cette ambition est l’expression d’une motivation intrinsèque, d’une joie sincère de pratiquer une discipline librement choisie et de la pousser aussi loin qu’on peut. Tout autre sous-texte ne peut mener qu’à la désillusion et au ressentiment. Par exemple (et Thomas Flight le montre très bien en parlant de l’excellente série The Bear), si vous doutez encore de votre talent, ne vous attendez pas à ce qu’une publication vous rassure. Il vous faudra toujours plus – plus de lecteurs, plus de reconnaissance, plus, plus, plus – parce que rien ne saura combler cette carence qui est le manque d’estime de soi. Il y aura toujours une case que vous n’aurez pas cochée dans votre check-list du succès. C’est ainsi que certains en viennent à courir après les récompenses au lieu de persévérer dans leur être.


Que commence l’an III du club. J’ai mis à jour le site pour le présenter aussi clairement que possible, avec notamment de nouveaux témoignages, parce qu’il s’avère que les membres du club en parlent mieux que moi. Ainsi Laurence : « Je n’ai, pour le moment, pas trouvé mieux, ni même aussi bien. Tout le reste me paraît beaucoup plus superficiel. »

Merci à tous, lecteurs et membres, pour votre fidélité et votre confiance renouvelée semaine après semaine. Une nouvelle année commence qui me permettra de vous aider à persévérer dans l’écriture. Si vous n’êtes pas encore membre, vous pouvez essayer notre nouveau forfait découverte : pour 25 € par mois, vous bénéficiez d’un retour par mois et d’un accès aux salons du club. Le forfait complet à 55 € par mois (1 retour chaque semaine) reste bien sûr disponible. Dans tous les cas, vous profitez d’un essai gratuit de 14 jours.

Je prépare quelque chose pour la centième lettre du club, qui devrait vous parvenir alors que nous serons tous profondément enfouis dans l’automne, bordés de livres et de manuscrits, une tasse de chaï massala fumant à nos côtés… Bref, je ne sais absolument pas ce que je ferai, mais je le ferai bien. Si vous avez des suggestions, n’hésitez pas à me les envoyer par retour d’email.


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