Quand vous n’avez aucune question

Mais qu’il vous faut des réponses.

Quand vous n’avez aucune question
Joseph Urban, Sphynxe (détail), 1903. Source : Isabella Stewart Gardner Museum.

J’avais gardé le meilleur pour la fin de ma centième lettre, mais elle dépassait déjà les 1 500 mots (deux fois plus que d’habitude), aussi ai-je décidé que la fin de la centième serait le début de la cent-unième. Et toc.


On m’a demandé s’il était normal de ne pas se poser de question quand on écrit. C’est une excellente question, qui me rappelle un temps où j’étais bloqué à l’extérieur de cette féérie qu’est la littérature, pour parler comme Nabokov, ne sachant par où entrer ni quels en étaient les rites obscurs, qui d’enchanté me transformeraient en enchanteur. Tout me semblait opaque et inaccessible, et j’étais à la recherche d’un passage secret pour y pénétrer. Le secret est qu’il n’y en a pas, car le passage est en chacun de nous.

Aussi rassurez-vous, c’est tout à fait normal de ne pas savoir quelle question poser ou se poser quand on débute. Et sachez d’ores et déjà que vous retrouverez en partie cet état de non-questionnement quand vous agirez de nouveau d’instinct, mais un instinct éduqué et travaillé par des années de pratique. Une fois acquis, ce nouvel accent est très difficile à perdre et on ne sait plus comment se rappeler l’innocence, pour ne pas dire l’ignorance, de ses débuts. Une nouvelle opacité s’est constituée, qui vous sépare d’une part de vous qui n’est plus vous. Que faire entre-temps, si ce n’est reprendre à son compte un précepte cher à Mallarmé – « avoir une haute idée de son art, non pas de ce qu’on fait, mais de ce qu’on pourra faire un jour ; sans quoi ce n’est pas la peine de travailler » (cité par Paul Valéry dans Degas Danse Dessin) ?

Une part de mon travail consiste à vous faire perdre les mauvaises habitudes qui vous poussent, comme lecteur et comme écrivain, à vous contenter d’approximations. Le cliché étant une généralisation abusive d’une image jadis originale, c’est-à-dire particulière, il constitue un cas extrême d’approximation, puisqu’on ne voit plus l’image derrière lui. Il vous faut réfléchir au sens de chaque mot, à la construction de vos phrases et à leur rythme. Forcez-vous à tout reconsidérer, et pratiquez suffisamment longtemps pour obtenir cette patine qui est un retour au naturel par beaucoup d’artifices. On n’est jamais assez proche de la sensation à transmettre au lecteur. Aussi, dire d’un écrivain qu’il a du talent n’est peut-être qu’une manière polie de dire qu’il est maniaque. Il ne renonce pas à y voir plus clair. Les écrivains moins bons ont renoncé trop tôt.

Rien n’est normal, surtout en littérature, qui est la quête de l’universel à travers le très personnel, de l’autre qui est en soi, et on ne peut rien généraliser, à part peut-être qu’une histoire a un début, un milieu et, si on ne s’endort pas avant, une fin. « La vie n’est pas dans le général, mais dans le particulier ; l’art consiste à donner au particulier l’illusion du général. » (Marcel Schwob, « La terreur et la pitié », Spicilège.) Il n’y a pas de secret car il n’y a aucun seuil à franchir ou adoubement à recevoir. Encore une fois, le chemin à suivre est intérieur, et vos sens doivent vous guider. Pour l’emprunter, vous devrez vous défaire de tout ce qui n’est pas vous, les généralités et approximations dont on s’imbibe au contact des autres et des conversations du quotidien. Désapprendre à écrire, puis lentement apprendre à exprimer ce que j’ai appelé « les claudications légères de l’être ». Devenir sensible ou réceptif à ce qui nous fait plaisir, à ce qui nous fascine, à ce qui nous obsède – pour travailler plusieurs années sur un livre, il doit vous obséder. La littérature n’est peut-être que la somme des bizarreries de chacun.

Rappelez-vous Rilke : « Personne ne peut vous apporter conseil ou aide, personne. » Mais je peux vous éloigner des approximations et ne pas vous lâcher tant que vous n’aurez pas emprunté votre propre chemin. On renonce toujours trop tôt. Que ce presque truisme ne nous empêche pas de répéter que, quoi que vous pensiez de ce que vous faites, il vous faut continuer d’écrire. Vous ne savez pas ce que vous recelez, et moi non plus ; personne ne peut le découvrir à votre place. C’est pourquoi je ne peux pas vous dire quoi chercher, ni comment. Il n’y a aucune méthode qui fonctionne pour tous, seulement des habitudes plus ou moins bonnes qui vous conviennent plus ou moins.


Comme je l’évoquais la semaine dernière, je propose un nouveau forfait Club+ qui vous permet, pour 99 €/mois, de recevoir un retour par semaine sur 1 000 mots au lieu des 500 habituels. Si vous travaillez à un roman, vous pouvez ainsi écrire et réviser un chapitre de 16 à 20 pages par mois (ou sinon écrire de plus longues nouvelles). Pour vous donner un ordre de grandeur, je demanderais pour le même travail entre 150 et 225 € par mois à un écrivain que j’accompagne individuellement dans l’écriture de son roman. C’est pourquoi cette formule est particulièrement intéressante, surtout pour celles et ceux qui veulent avancer plus vite qu’au rythme de 500 mots par semaine.

Les membres peuvent changer de forfait à tout moment dans leur espace en ligne. Si vous avez un abonnement annuel en cours, je vous rembourserai au prorata du temps restant.

Club+

1 retour par semaine sur 1 000 mots

99 €/mois

Cette semaine sur le blog : Itération, Instinct & Contexte.


Vous avez une question ? Posez-la moi par retour d’email.

Vous voulez écrire davantage et mieux ? Adhérez au club d’écriture.

Bloqué(e) dans l’écriture d’un roman ? Sollicitez mon aide.