Écrivez en public

S’il n’y avait qu’un conseil à suivre, ce serait celui-ci. Je parie pourtant que vous n’en tiendrez aucun compte.

Écrivez en public
Georges Rochegrosse, Le Chevalier aux fleurs (détail), 1894. Source : Wikimedia Commons.

J’aimerais ne pas avoir besoin de suivre ce conseil, pouvoir finir ce que je commence et m’accorder le moins de temps possible par la seule force de ma volonté, mais… ah, la vie est compliquée – enfin, surtout mon esprit. Que de détours pour arriver à mes fins. Cette semaine, je vous révèle l’astuce que j’ai trouvée pour continuer d’écrire malgré moi :

Écrivez en public.

Et, devrais-je aussitôt ajouter, avec régularité. Savoir que, quoi qu’il arrive, j’enverrai cette lettre à 19 heures me simplifie bien des décisions. Et il y en a beaucoup à prendre. C’est le bon côté des habitudes : vous pensez moins aux détails triviaux pour vous concentrer sur l’essentiel. Vous découvrez alors que les problèmes d’inspiration n’étaient que des problèmes d’organisation et de manque de pratique.

Choisissez un format (les membres du club écrivent 500 mots) et un temps pour écrire (le week-end), et faites-le. Peu importe si vous écrivez pour une personne ou pour mille. Sans cette attente à laquelle répondre, vous trouverez toujours des excuses pour repousser ce que vous devez faire.

Ce n’est peut-être pas compatible avec l’écriture du plus linéaire des romans, quoique je n’en sois pas sûr. Il vous faudra bien sprinter jusqu’à la fin pour avoir la vue d’ensemble et lentement réécrire à rebours en fonction d’elle. Dans un cas comme dans l’autre, arrachez les pages du jour ou de la semaine et envoyez-les à quelqu’un. Une personne suffit.

Cette approche est très compatible avec une phase plus exploratoire d’écriture, où l’on ne sait pas encore ce que l’on fait, où l’on tente plein de choses, avant de se décider pour une seule à l’exclusion de toutes les autres. C’est à la fois un peu plus que des esquisses et un peu moins qu’une suite logique de scènes. Certains membres du club s’y essayent déjà avec succès. Ils fixent un paramètre – un personnage ou un cadre récurrent – et créent autour des variations, pour jauger l’espace imaginatif disponible ou tester différentes possibilités. (Pensez à Calvin et Hobbes.) À eux ensuite d’organiser, trier et supprimer le superflu. Le but n’est pas d’écrire un livre tel qu’il sera publié (la première page en premier, puis la deuxième, et ainsi de suite jusqu’à la dernière), mais d’organiser votre imagination pour l’écrire et le réécrire et le réécrire encore, jusqu’à ce qu’il soit fini.

Et si vous hésitez à courir nu(e) dans les couloirs venteux d’internet, rappelez-vous : personne n’en a rien à faire de ce que vous pouvez penser ou écrire. L’indifférence du monde à notre égard est précisément ce qui nous affranchit de nos peurs. (Il y a toujours l’espace semi-public du club qui offre aux plus timides un temps pour écrire, davantage et mieux, en toute sécurité.) Après tout, pour citer un célèbre dessin de Peter Steiner paru dans le New Yorker en 1993, « sur internet, personne ne sait que vous êtes un chien ».

Un chien installé devant un ordinateur s’adresse à un autre chien.
« Sur internet, personne ne sait que vous êtes un chien. » — Peter Steiner, The New Yorker, 5 juillet 1993.

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